Droit des contrats – Promesse unilatérale de vente et rétractation du promettant – Revirement de jurisprudence

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La Cour de Cassation par un arrêt en date du 23 Juin 2021 (Cass Civ 3ème – n° 20-17.554), revient sur sa jurisprudence antérieure en acceptant qu’une vente soit déclarée parfaite alors que la levée d’option par le bénéficiaire de la promesse est intervenue postérieurement à la rétractation du promettant.

I/Le régime antérieur à l’Ordonnance de 2016 :

La question de la levée d’option postérieurement à la rétractation du promettant était traitée de la manière suivante : En matière de promesse unilatérale de vente, l’obligation du promettant constituait une simple obligation de faire.

Tant que le Bénéficiaire n’avait pas déclaré acquérir et n’avait pas levé l’option, aucune rencontre des volontés n’était intervenue, de sorte que le promettant pouvait librement se rétracter.

Ainsi, la levée d’option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés de vendre et d’acquérir. Le Bénéficiaire ne pouvait alors solliciter la réalisation forcée de la vente et ne pouvait prétendre qu’à l’allocation de dommages et intérêts.(arrêt Cour de Cass, Civ 3ème du 15 décembre 1993 n° 91-10.199 « arrêt Consorts Cruz »)

II/ Le régime postérieur à l’Ordonnance de 2016

L’ordonnance du 10 février 2016 est venu codifier les promesses unilatérales dont le régime résultait auparavant de la jurisprudence.

Rappelons que l’article 1124 « nouveau » du Code civil prévoit, pour les promesses unilatérales conclues depuis le 1er octobre 2016, que la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Le deuxième alinéa du même article vient apporter la précision suivante : « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

Ainsi, désormais, si le promettant révoque son engagement pendant le délai d’option alors que le bénéficiaire entend lever celle-ci, ce dernier pourra le forcer à conclure l’acte définitif de vente.

Cependant, rien n’était précisé quant aux promesses conclues antérieurement au 1er octobre 2016 et ces promesses demeuraient soumises à l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation et ne pouvaient se résoudre par la réalisation forcée de la vente mais par l’allocation de dommages et intérêts. L’arrêt du 23 juin 2021 vient préciser ce point.

III/ Les faits d’espèce de l’affaire jugée

Le 1er avril 1999, M. et Mme X. consentirent à M. et Mme Y., une promesse de vente d’un appartement en copropriété et de la moitié de la cour indivise, l’option ne pouvant être levée qu’au décès de la précédente propriétaire, Mme Z., qui s’était réservée un droit d’usage et d’habitation.

Devenue attributaire du bien à la suite de son divorce, Mme X. se rétracta de cette promesse par acte authentique du 17 février 2010.

Après le décès de Mme Z., M. et Mme Y levèrent l’option le 8 janvier 2011 par lettre recommandée avec avis de réception.

Le 8 mars 2011, ils assignèrent Mme X., en réalisation de la vente. Le tribunal de grande instance fit droit à cette demande et ordonna la publication de la vente au service de la publicité foncière. La cour d’appel confirma la perfection de la vente.

La Cour de cassation censura cet arrêt et décida que la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (Cass. Civ 3ème – 6/12/2018)

Toutefois, le 19 mai 2019, la cour d’appel saisie du renvoi après cassation jugea que la vente était parfaite. Mme X., se pourvut de nouveau en cassation.

La Cour de cassation, par un arrêt du 23 juin 2021 procède à un revirement de sa jurisprudence retenant ainsi la vente forcée en dépit de la rétractation du promettant antérieure à la levée d’option par le bénéficiaire :

« 9. Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

10. Par ailleurs, en application de l’article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1re Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n° 06-13.983, Bull. 2007, I, n° 19 ).
11. Il convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente et de retenir qu’il s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.
 » 

IV/ La fin de la jurisprudence « Consorts Cruz » pour les contrats passés antérieurement à l’Ordonnance de 2016

La Cour de cassation vient mettre fin à une jurisprudence bien ancrée dans le paysage du droit des contrats. La motivation de la Cour de cassation est développée mais ne fait pas mention de l’Ordonnance de 2016 préférant une argumentation technique mais certainement pas nouvelle.

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